Résidence Mission

Nous souhaitons réaliser, avec vous, des ponts entre les personnes vivant sur le territoire, créer aussi des fenêtres entre les espaces intimes et les espaces publics. Nous avons un intérêt tout particulier à mettre en dialogue des réalités dans des espaces non-dédiés.Entendre une mémoire, la regarder danser, imaginer les mémoires futures. Nous travaillons depuis deux ans sur l'INVISIBLE. Nous abordons ce mot-métaphore sous plusieurs aspects et plusieurs approches artistiques mais pas que. La danse, le mouvement en espace public ou lieux non-dédiés, la mise en place de structures et d'agrès aériens, la diffusion de films que nous réalisons in-situ, la collecte de témoignages pour en produire un concert-ciné mêlant slam, musique live et vidéo, l'écriture du corps dans l'espace du quotidien auprès de temps et publics non-convoqués, l'installation vidéo, photographique et sonore, la création de contenus qui nourrissent un dialogue entre l’individu et le monde qui l’entoure. Autant de matériaux qui constituent les spécificités de notre équipe et qui s'ajustent aux réalités de terrain. Nous aimons déplacer le réel, le mettre en perspective en créant des temps forts collectifs, des rituels qui mettent à l’honneur le “Nous”.

Plusieurs réalités se sont percutées dans une tendresse et une écoute incroyable.
Nous avons appris autant que transmis. 

 

 

Depuis le 18 novembre 2024, date du début de la résidence-mission, nous avons eu le plaisir de traverser tout le paysage du Valenciennois, de rencontrer des personnes exceptionnelles et des établissements et associations très volontaires et engagés dans ce projet. Notre présence sur le territoire a été guidée avant tout par la soif de mettre en évidence, dans l’espace public, notre rapport à l’Autre et la place que nous accordons à l’Autre. Il s’agissait plus précisément des Autres : des personnes, des enfants, des adultes, des adolescent.e.s, des accompagnants.es, des mères, des pères, des personnes en situation de handicap. 

Notre démarche a été guidée par des rencontres, par les liens invisibles qui se sont révélés au fur et à mesure des échanges nourris de témoignages et de réalités bien différentes. Faire commun, tel était notre mot d’ordre. Faire de chacun.e un grand Nous. Le travail du corps, l’abolition de la langue écrite ou parlée, l’exploration de plusieurs espaces publics, la mise en relation avec des événements locaux, la circulation des acteurices, la prise d’espace par les corps et notre Corps, autant de point d’accès vers une vision artistique au service de ce que sont les gens, les êtres, les corps sensibles que nous avons accompagné pour rendre visible l’invisible, pour permettre un possible dans l’impossible, pour rendre réelles les visions et perceptions de chacun.e.

La mobilité des publics 

Permettre à chacun.e de s’impliquer dans le processus créatif d’une forme ou la participation à une forme collective, n’a pas toujours été évident, pour les collégiens.nes notamment. Pour beaucoup, se déplacer, aller vers un point plus éloigné que l’environnement de sa commune, n’est pas une évidence. Pour certain.es, l’Autre, était leur propre territoire. Nous avons tout de même réussi à mobiliser des personnes de Quiévrechain jusqu’à Valenciennes pour danser sur la place d’Armes ! 

La parentalité 

Nous avons tenté et réussi à (re)mettre en lien des parents avec leurs enfants. Faire qu’ils et elles fassent avec, pas pour. L’Autre ici pouvait être la représentation de son propre corps. Pour certains parents, leur corps pouvait leur paraître étranger ou mal défini, oublié. Le fait de proposer aux parents de ne pas seulement être les accompagnants de leur enfant, mais devenir des partenaires de jeu, de danse, d'exploits, cela nous a semblé être une nécessité. Réunir ces corps qui se sont peut-être perdus, peut-être abandonnés à leur insu, a été un véritable moment spectaculaire et un révélateur de ce que l’on s’accorde et des limites que l’on s’inflige. 

Quelle est notre place ? 

Tout au long de cette mission, nous avons provoqué des temps de diffusion non-pas de nos créations, mais des propositions nées des ateliers menés avec les différents publics du territoire. Cette intuition de mettre en perspective l’Autre au milieu des autres, de faire de l’espace public un Autre mieux appréhendé, de s’approprier des espaces publics, même de manière éphémère, était assez juste. En effet, la plupart des participants à nos ateliers de pratique artistique n’avait jamais joué en rue, beaucoup n’avait jamais joué tout court. Beaucoup n'auraient jamais imaginé pouvoir faire oeuvre dans un espace du quotidien … pourtant ils et elles l’ont fait. 

C’est un axe central dans notre approche de l’espace public de faire en sorte que les limites éclatent, que les préjugés s'amenuisent, que l’estime des soi et des autres jaillisse et que le courage demeure. Car il s’agit bien là de courage lorsque l’on affronte la peur, peur de mal faire, d’être regardé, d’être dans un endroit nouveau, d’être à six mètres de haut, de prendre la main de l’Autre pour partager une danse au milieu d’une foule d’inconnus, de former un cercle de la taille d’un chapiteau et de faire partie d’un même mouvement. Pourquoi parler de l’espace public en particulier ? Parce qu’il n’est plus ou peu ou pas assez investi, habité, animé de vie. C’est un espace qui est malheureusement relégué à une sorte de trajectoire, la plus courte et directe, de notre moyen de transport à notre but à atteindre pour ensuite rentrer chez soi. Pour beaucoup la rue n’est pas un espace du commun et pourtant… 

Faire de l’espace public un théâtre éphémère a été pour nous une manière de répondre à cette croyance collective par l’exercice mais aussi par l’impulsion. Montrer l’exemple est plus salutaire que d’attendre ou maudire l’état de fait. Pour certain.e.s, il s’agissait presque d’une désobéissance. C’est tout à fait remarquable de réaliser l’exploit de s'affirmer dans un lieu qui semble nous imposer l’anonymat. Nous avons joué le rôle des désobéissant.e.s, incitant aussi à questionner la place de nos corps sur la place publique. Se permettre aussi de dire que cet espace est le nôtre, à tous.tes. Que nos corps forment cet espace. Tous nos corps : petits, tordus, cassés, empêchés, vieux, jeunes, abîmés, soignés, libérés. Il y a eu des moments absolument magiques, que nous n’oublierons jamais, des instants précieux qui ont fait germer des possibles dans l’esprits des participant.e.s, des vocations même pour certain.e.s. Nous nous posions beaucoup de questions avant de commencer cette aventure, nous avons reçu plus de réponses encore au fil de sa réalisation. Nous avons appris énormément et cela grâce à un collectif constitué de plusieurs établissements et associations, aux énergies et champs d'action différents, dans des secteurs complémentaires, qui pouvaient paraître très éloignés au départ.